La liberté remplace la lune

[Hue]

miracle dans le bal des ancêtres : un souvenir s'est invité sans disparaître
un homme blanc de trente cinq ans et des poussières
a mangé la poussière
il a
soulevé des montagnes pour arriver au sommet
au sommet de ce que nous appelons le monde
ce monde que nous ne connaissons pas
il suffit de vivre, a-t-il dit
et nous l'avons cru
il suffit de nous rencontrer
et de placer la langue sur le palais
le palais des beaux jours
il faut
a-t-il dit
soulever les craintes
il faut se battre contre les monstres
qui envahissent notre tête
il faut grimper sur les astres
il faut
découvrir la planète en marchant en zig-gaz
flatter notre ego
multiplier les chances de devenir un héros
en martelant le mot travail

de nos âmes brûlées
il restera un petit tas de cendres à manger pour le dîner
c'est écrit sur le frigo
et sans grande ambition
il restera l'Afrique
pour satisfaire nos envies de gloire
faisons la guerre aux fleurs
hâtons-nous d'empêcher la pluie de tomber
elle risque de pétrir nos chairs
la lune remplacera nos rêves
et nos enfants seront bien plus beaux
quand ils auront faim
il suffira de les soustraire à nos impôts
comme nous l'avons toujours fait
rire de n'importe quelle échéance
parler avec des mots d'adultes
que personne ne comprendra
à part des génies immaculés
qu'on prendra pour des trombones

faisons fi
a-t-il dit
des soulèvements populaires
martelons le pavé
imaginons nos vies
plus tard
quand nous aurons parlé d'argent
quand la lune aura remplacé nos faits et gestes
quand nous aurons contemplé des milliards de planètes
et que nous aurons soif

faisons de l'astre solaire
un plus grand hématome

parcourons les vies que nous avons piétinées
parlons maintenant des cris que nous n'entendons pas
prions pour ceux que nous tuerons dans mille ans
ils n'auront pas besoin d'eau
juste d'un peu
de chaleur humaine
et nous serons là
sans doute
pour éclairer la route d'un peuple
parlons maintenant des enfants perdus
ils ne seront pas perdus
juste abandonnés
les mots ne suffiront pas
il faudra les adopter sans tarder
et mourir à leur place
puisque la lune
aura remplacé leurs parents
oubliés de tous ils
auront du mal à manger de la soupe
alors il faudra les aider
à courir avec une seule jambe
mais nous serons là
toujours
pour entraîner leur soupirs
à ne plus être que des cailloux
de petits cailloux
et sans crainte
nous donnerons à leurs vies
la couleur de la liberté.

[hi wen]

les cesures sont assez réussies, on sent une maitrise du rythme du discours, mais ça part un peu trop dans tous les sens à mon goût
par exemple, l'afrique, j'ai tiqué, qu'est ce que vient faire l'afrique là dedans

[Pussicat]

j'aime le rythme du texte, ses rejets, cela me fait penser à un slam... j'aime !
je retiens :
il faut grimper sur les astres
il faut
découvrir la planète en marchant en zig-gaz
flatter notre ego
multiplier les chances de devenir un héros
en martelant le mot travail

comme hi wen je ne comprends pas :
et sans grande ambition
il restera l'Afrique
pour satisfaire nos envies de gloire
entendre l'Afrique comme terrain de jeux éco-pol... terre de pillage ?
cela tombe à plat, comme un cheveu sur la soupe

[teverino]

Je ne comprends pas votre étonnement à propos de l'Afrique. D'abord le texte commence par "un homme blanc " ce qui introduit de facto l epoint de vue d'un homme noir sinon d'une autre couleur. Et puis l'Afrique, cet ailleurs qu'on pille, où l'on se refait... Enfin il y a une certaine thématique du N&B dans le texte (homme noir + brulé + cendres / frigo (blanc)). Enfin, sans vouloir forcer le trait, je trouve qu'il y a, dans le contraste mis en scène entre la lune, les montagnes, le futur et d'autre part le martelage (artisanat, attachement terre-à-terre aux choses), le frigo, le quotidien, le moi une certaine Africanité qu'on retrouve bien dans les contes africains : du simple au divin, du quotidien à l'univers, le mélange des ancêtres et de l'aujourd'hui, la fusion des temps et l'incertitude suer l'existence du temps. Des cailloux à la lune.

Par ailleurs, et cela n'a rien à voir, je trouve très christique le début : dans l'homme blanc et ce magnifique "un souvenir s'est invité sans disparaître" il y a du saint suaire, de l'empreinte, de l'hier dans l'aujourd'hui, du ciel sur la terre.

Ce ne sont là que des notations, pas une analyse.

[Hue]

effectivement l'Afrique a toute sa place ici...
"le problème de l'Afrique"...
Relisez ce "magnifique" texte d'Henri Guaino, discours de Sarkozy à Dakar, terrible discours, mais terriblement "bien" mené aussi.

l'Afrique a toute sa place ici. Si l'on parle de mondialisation, d'esclavage moderne (moderne ou pas, d'ailleurs), de profit au détriment de l'autre, comment ne pas parler de l'Afrique ?

bref, je ne voulais pas faire de discours politique, et ceci n'en est pas un, et ce texte non plus.

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