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Maître Oriental : Les villes rêvées.

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Maître Oriental : Les villes rêvées. Empty Maître Oriental : Les villes rêvées.

Message  Gobu Mer 4 Nov 2015 - 13:30

Le Maître Oriental et son disciple


Les villes rêvées.


- C’est terrible, Maître. Je n’ai pu méditer depuis ce matin tant mon esprit est agité.

- Et qu’est-ce qui agite ainsi ton esprit ?

- Un rêve que j’ai fait.

- Raconte le rêve.

- Que je le raconte ?

- Oui, andouille ! Ton esprit s’agite autour de ce rêve. Raconte-le, il en agitera un autre.

- Ah oui, c’est vrai…Eh bien j’ai rêvé d’une grande ville. Mais pas une grande ville comme Cambaluc, Samarkand ou même Bagdad l’Incomparable, une ville bien plus grande, plus vaste et plus haute que toutes les villes du monde rassemblées, si grande, en fait, qu’elle avait enveloppé le monde entier, plongé ses racines dans ses entrailles, défié les cieux de ses flèches de verre et d’acier, et quadrillé les eaux d’ouvrages d’architecture. Dans les avenues colossales de cette cité universelle s’affairaient des foules d’hommes et de femmes superbement vêtus, et pas seulement à pied, sur le dos d’un cheval ou même en lévitation ou en tapis volant, comme font les gens ordinaires, mais dans de prodigieux engins de métal filant sur la terre, la mer et dans les airs comme des traînées de foudre !

- Oui…des véhicules à propulsion autonome…

- Plaît-il, Maître ?

- Excuse-moi de t’avoir interrompu. Reprends ton récit.

- Dans cette ville infinie, les hommes usaient de petites boîtes lumineuses pour dialoguer d’un continent à l’autre plus aisément que des fakirs chevronnés, et d’autres boîtes plus grandes s’ouvraient comme des fenêtres sur le mouvement et les couleurs du monde. Des auberges plus somptueuses que des palais, des palais plus vastes que des villes, des temples qui contiennent tous nos temples. Des bateaux sans voiles emportant dans leurs flancs la récolte d’une région, et tous les hommes de la terre de se régaler de cette manne. La peste, la fièvre quarte et la lèpre souvenirs du passé. Les hommes vivant un siècle et plus encore…J’aurais aimé rêver cent nuits encore et avoir cent jours pour te raconter toutes les merveilles de ce monde.

- Mais ce n’est qu’un rêve.

- Hélas, ce n’est qu’un rêve.

- Vois-tu, je vais t’étonner. Oui, je sais, le sage ne s’étonne de rien, mais tu n’es ni assez sage pour ne pas t’étonner ni assez habile pour dissimuler ton étonnement.

- Merci, Maître.

- Pas de quoi. Le sarcasme est compris dans le forfait. Bon, étonne-toi : j’ai fait un rêve étrangement semblable au tien ; plus exactement, il commence comme le tien.

- En est-il la suite ?

- La suite…ou l’image inversée…

- Comme dans un miroir, Maître ?

- Ou comme dans les contes. Moi aussi, j’ai rêvé une arrogante cité qui avait mangé la terre entière. Elle avait dévoré son sol et l’avait digéré, elle avait bu l’eau de ses mers et aspiré ses créatures avec, elle avait même crevé le ciel et griffé les astres de ses crocs de fer. Dans ses labyrinthes de rues où le soleil ne parvenait plus, des hordes de misérables s’étripaient pour un quignon, des peuples entiers se mouraient de maladies inconnues, les animaux et les plantes agonisaient. J’ai vu les engins de fer dont tu parlais se hérisser de tubes crachant l’incendie, j’ai vu s’effondrer les tours, de si haut qu’on pensait qu’elles n’en finiraient pas de s’affaisser. J’ai vu la misère et la corruption de l’humanité entière, la cupidité triomphante, la pauvreté méprisée et la vertu piétinée ; j’ai vu la ruine et le crime généralisé, j’ai vu la désolation et la mort, j’ai vu cette cité qui avait mangé le monde se dévorer elle-même.  

- Quelle horreur, Maître ! Moi j’en aurais eu l’esprit encore plus agité et tu sembles si serein

- Oui, mais tu es mon disciple et moi je suis ton Maître. Et puis ce n’était aussi qu’un rêve.

- C’est vrai…ce n’était qu’un rêve. Mais que veut-il dire ?

- Séparément, chaque rêve ne veut rien dire. Ensemble, ils disent l’avenir.

- Mais comment est-ce possible ? ils se contredisent.

- L’avenir aussi se contredit.

GOBU

Pour l'inconfort du lecteur, l'auteur tient à préciser que ce texte - le premier chronologiquement de la série du Maître Oriental - a été écrit plusieurs mois avant le 11 septembre 2001 et la destruction des tours jumelles du WTC. Comprenne qui pourra.
Gobu
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Message  So-Back Mer 4 Nov 2015 - 19:20

contre le destin on ne peut rien

So-Back

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Message  obi Jeu 5 Nov 2015 - 14:05

Bravo Gobu!

Je ne sais pas pourquoi mais le dragon et sa princesse, ça ne me touche pas beaucoup . En revanche, ces deux-là font presque toujours mouche.

Deux petites remarques:
"l'andouille " pour moi fait trop occidental
je vois mal le maître s'excuser d'avoir interrompu l'élève.

Encore merci!

obi

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Message  boc21fr Jeu 19 Nov 2015 - 3:46

J'ai adoré ce petit texte.
Son pessimisme prophétique m'aide à me sentir moins seul.
Je n'avais en aucun cas prévu un évênement de l'ampleur de ce bombardement par avions de ligne interposés ni anticipé ses conséquences : en ce qui me concernait, en 2001, le seul péril qu'allait avoir à affronter l'humanité serait la stupidité crasse grandissante au sein des pays développés. Ainsi que l'égoïsme et l'indifférence crasse vis à vis des "exclus", les sdf, les blessés de la vie dont nous nous foutions totalement. Je "militais" pour que le grand chantier de l'avenir soit la fin de l'indifférence et de la misère, comme beaucoup d'autres.
J'étais jeune...
Jeune père de surcroit.
Je nourrissais mon tout jeune bébé devant la TV (je sais...c'est lamentable) quand j'ai vu les tours jumelles s'effondrer.
Et là où mon intuition m'avait fait lamentablement défaut, ne m'ayant en aucun cas laissé préssuposer pareil évênement, j'ai vu d'un coup ce qui allait advenir pour l'avenir...
Le retour vers le grand archaïsme, le fondamentalisme, non pas seulement pour l'Islam mais toutes les religions qui allaient en revenir à une interprétation archaïque des textes, poussant chacun à se massacrer.
C'était totalement inévitable.
J'ai un temps espéré que la France serait au moins un ilot de lumière, de démocratie, de culture et de tolérance, isolé au milieu de l'obscurantisme à venir, mais la voila partie de l'OTAN et de l'UE, ce qui revient au même...à savoir dans le camp des croisés, l'aide de camp des croisés pour être précis.
En état de siège, en état d'urgence, en état de guerre parait-il...
Merci pour ce texte...tu as beau me dire que je suis outrageusement pessimiste et sans espoir, tu n'es pas non plus sur un tapis volant au dessus des nuages à vivre un rêve bleu non plus ;o)
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