Chars vides jaunes

[Hue]

Nacelle suspendue
La lune au bout des lèvres
Bouche bée sans décor
Poète industriel

Tu es ce vide dans la balance
Cette béance au bord du monde
Cet ascenseur abandonné
Tu es ce morceau d'amiante
Que l'enfant porte entre ses mains
Comme un animal blessé

Nacelle désossée
Le cœur suspendu aux crochets
Plafond percé, bouches tendues
Industrie des amours perdues

Sous les décombres, quelques promesses
Survivent au temps à l'oubli
Mais le temps n'est qu'un sursaut de plus
Un hoquet dans un vaste espace
Un claquement sourd
Clac
Quand la mâchoire se décroche
Tombe en poussière au milieu des gravats
C'est tout cela qui se défait
Quand les murs n'abritent plus que des ombres
C'est tout cela et c'est ailleurs au creux des lunes

C'est l'usine qui dort en silence
Et qui, de ses ailes frémissantes
Ne s'envole que pour s'effondrer
C'est la première ride
Déroulée sur le sol
Qu'on écrase en passant
Crac
Quand le silence ne suffit plus

Rouages immobiles
Lèvres buvant la rouille
La trace du silence
Sur les murs jaunis

C'est cette machine sans vie
Qui a craché ses années folles
Au sommet de ses insomnies
Et moi j'enrage
De n'être qu'un soupir parmi les chars vides jaunes

[David]

Salut,

Le poème m'évoquerait un chantier, un poème du haut de la grue peut-être, et ces "chars vides jaunes", bien que je ne trouve pas ça jolis en soi, ça m'a intrigué tout de même comme association, je pensais à des engins de terrassement, bulldozer ou autres. Le texte n'agrippe pas quand même, c'est un peu trop flottant bien qu'il se devine quelques trucs, un peu d'atmosphère.

[Polixène]

La force de ce texte c'est son paradoxe: parler des humains par leur absence, évoquer la fin d'une époque (ère industrielle de production à outrance) en utilisant la mise en scène de la décrépitude lente, du processus d'abandon et de délaissement d'un lieu qui était le plus vivant, le plus vibrant. Pas besoin de tendre beaucoup l'oreille pour entendre la rouille grignoter entre les vers, les poulies grincer et le vent s'engouffrer dans les fissures sociales...
C'est très fort de traiter un thème uniquement par son "contraire".
Entre le "tu" du début et le "je" de la fin, combien de destins broyés?
J'enrage avec toi.

[Hop-Frog]

Clac Crac
Un paysage de friche industrialo-poétique, traversé par le train gris du tragique, et d'une beauté ravagée.

Autrement dit, un texte réussi.

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