Cheminement...

[alizarine]

Cheminement vers le vide
le tranchant,
silence sans fruits.

On aimerait la rotondité
sans entrée ni issue
sans néant sans finitude…

On se prendrait un jour
par la main
et on irait au delà de l’usure
tendu telle une figure de proue
tendu mais déjà détaché.

On oublierait la marche
si lente parfois
et les ratés d’une quête insensée.
On oublierait la folie de l’attente
de l’élan exténuant.

On voudrait soudain
toucher
le fil qui nous relie
on voudrait en connaître la résistance
la densité.

Il nous resterait l’étonnement
en vagues profondes
s’éloignant...

[Pussicat]

Beau texte que j'ai pris plaisir à lire...

Cheminement vers le vide
le tranchant,
silence sans fruits. / sans objet

On aimerait la rotondité / la facilité / la douceur de l'oeuf
sans entrée ni issue
sans néant sans finitude… / rester dans le ventre

On se prendrait un jour
par la main
et on irait au delà de l’usure
tendu telle une figure de proue
tendu mais déjà détaché. / rêve

On oublierait la marche
si lente parfois
et les ratés d’une quête insensée.
On oublierait la folie de l’attente
de l’élan exténuant. / les ombres du rêve
On voudrait soudain
toucher
le fil qui nous relie
on voudrait en connaître la résistance
la densité. / rêve au-delà du rêve / espérance

Il nous resterait l’étonnement
en vagues profondes
s’éloignant...

premiers ressentis, belle lecture...
à bientôt,

[Marine]

"On aimerait la rotondité
sans entrée ni issue"
Curieux vers, curieux mot, qui place le poème sous la voûte de quelque chose de plutôt mystérieux, hermétique, c'est le cas de le dire. (le commentaire de Pussicat me semble intéressant ; j'y voyais une sorte d'image de l'univers, expansion à l'infini, absence de centre : pour Pussicat comme pour moi, que ce soit ou non amniotique, c'est vrai qu'on est, il me semble, dans une sorte de cosmos).
J'aime aussi plutôt l'image de la figure de proue "détaché(e)" et l'au-delà de l'usure ; un poème de la vieillesse. La quête insensée, le fil, tout ça, j'aime moins : beaucoup plus commun. En même temps, il faut bien du commun pour faire ressortir l'original, je suppose.

[Polixène]

Les vivants cessent-ils vraiment de vivre? Ne restent-ils pas des fibres de lumière cheminant vers un ailleurs?
Merci pour cette vision incandescente et apaisante.

[alizarine]

Que dire ? Simplement vous remercier... si c'est autorisé...

[Invité]

Ce n'est pas une critique (au sens positif) du texte proprement dite, mais je pense, contrairement au jeunisme ambiant, qu'avancer en âge a quelque chose de formidable.

[alizarine]

Condremon... Votre remarque m'a fait sourire car j'ai pensé au sens premier du mot "formidable". Pour être claire, j'ai préféré faire un copier/coller d'un article de dictionnaire.


"Peu de gens connaissent l'étymologie de l'adjectif formidable.

Emprunté du latin formidabilis, « redoutable », lui-même dérivé de formido, « épouvantail, peur, effroi », formidable qualifiait à l'origine uniquement ce qui inspire une grande crainte.

Un séisme formidable. Un coup de tonnerre formidable. Une légende formidable.

Par la suite, le sens de formidable s'est élargi à « qui sort de l'ordinaire par son intensité, sa puissance, sa taille ».
Un appétit formidable. Une volonté formidable. Un culot formidable.

A force de glissement sémantique, formidable est même devenu synonyme de remarquable, pour exprimer l'admiration, l'approbation, voire l'étonnement dans le langage familier. Perdant, de ce fait, toute la saveur de son sens originel... jusqu'à venir signifier exactement son contraire !
Quelqu'un de formidable. Un livre formidable.

Voilà comment, à force de détourner un mot de son sens premier, on peut en arriver à de fâcheux malentendus : ce « quelqu'un de formidable », doit-on comprendre qu'il inspire de l'admiration ou de la crainte ?"

Alors crainte ou admiration face à cette avancée en âge ?

[Invité]

De la crainte peut-être au début, puis un grand étonnement... C'est chouette (j'ai juste là?)

[Armor]

J'aime beaucoup. Et surtout ce début "Cheminement vers le vide
le tranchant".

[PieAir]

Bonjour, votre texte m'a beaucoup ému, je le trouve très réaliste et prenant, et pourtant sans amertumes. Pour ce qu'il veut dire il est parfait

[Loreena Ruin]

"On voudrait soudain
toucher
le fil qui nous relie
on voudrait en connaître la résistance
la densité.

Il nous resterait l’étonnement
en vagues profondes
s’éloignant..."

Magnifique fin, pour un poème qui mérite plusieurs lecture pour en comprendre la portée. Un bémol pour :

"On oublierait la marche
si lente parfois
et les ratés d’une quête insensée.
On oublierait la folie de l’attente
de l’élan exténuant."

que j'ai trouvé moins inspiré (troisième vers) et plus difficile à lire "la folie de l'attente/de l'élan exténuant" : beaucoup de "de", de "é", de "a" et de "an"... ça fait presque trop et je ne trouve pas que ça soit utile pour souligner le propos.

[Contenu sponsorisé]