Tel un inventaire...
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Pussicat
jfmoods
alizarine
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Tel un inventaire...
Il y avait
en ces temps composés
des hommes silencieux
ils élevaient le gris
à hauteur de nos rêves
et plongeaient en nous
leurs regards anxieux
il y avait les miroirs piqués
où s’accrochaient des fragments
de lumière
où nos sourires déviaient
il y avait la lenteur des pas
près de la maison endormie
les mots d’airain
qui creusaient les rêves.
en ces temps composés
des hommes silencieux
ils élevaient le gris
à hauteur de nos rêves
et plongeaient en nous
leurs regards anxieux
il y avait les miroirs piqués
où s’accrochaient des fragments
de lumière
où nos sourires déviaient
il y avait la lenteur des pas
près de la maison endormie
les mots d’airain
qui creusaient les rêves.
alizarine- Nombre de messages : 104
Age : 80
Date d'inscription : 07/04/2014
Re: Tel un inventaire...
Des connotations passablement inquiétantes, étouffantes, accompagnent les moindres strates de cet inventaire très suggestif où l'on chercherait vainement l'ombre facétieuse de l'ami Prévert...
En premier lieu, ces « temps composés » apparaissent comme des temps où l'on compose avec une réalité sociale, humaine, sans doute peu reluisante. Des temps marqués, donc, par la décomposition du lien, dans la relation à l'autre (expressions : « des hommes silencieux », « leurs regards anxieux », jeu antithétique instituant l'imposition d'un rapport de force : « élevaient le gris » / « plongeaient en nous », absence de référent au pronom personnel « ils », construction d'un mur métaphorique balisant l'aridité extrême de la perspective : « à la hauteur de nos rêves ») comme dans la relation à soi (« miroirs piqués », métonymies signalant des points de fuite : « s'accrochaient des fragments de lumière », « nos sourires déviaient »). Temps glacé, embourbé dans un contexte de lâcheté générale, tel qu'il pourrait s'imaginer en période d'occupation. Temps où l'image oppressante de la traque systématique et silencieuse de toute pensée séditieuse, dissidente, subversive (« la lenteur des pas / près de la maison endormie »), hante le sommeil lui-même, martelant en profondeur toutes les strates de l'inconscient (métaphore instaurant l'image d'une parole qu'il est interdit de transgresser : « les mots d'airain », expression d'une violence insidieuse et impitoyable : « creusaient les rêves »).
Merci pour ce partage !
En premier lieu, ces « temps composés » apparaissent comme des temps où l'on compose avec une réalité sociale, humaine, sans doute peu reluisante. Des temps marqués, donc, par la décomposition du lien, dans la relation à l'autre (expressions : « des hommes silencieux », « leurs regards anxieux », jeu antithétique instituant l'imposition d'un rapport de force : « élevaient le gris » / « plongeaient en nous », absence de référent au pronom personnel « ils », construction d'un mur métaphorique balisant l'aridité extrême de la perspective : « à la hauteur de nos rêves ») comme dans la relation à soi (« miroirs piqués », métonymies signalant des points de fuite : « s'accrochaient des fragments de lumière », « nos sourires déviaient »). Temps glacé, embourbé dans un contexte de lâcheté générale, tel qu'il pourrait s'imaginer en période d'occupation. Temps où l'image oppressante de la traque systématique et silencieuse de toute pensée séditieuse, dissidente, subversive (« la lenteur des pas / près de la maison endormie »), hante le sommeil lui-même, martelant en profondeur toutes les strates de l'inconscient (métaphore instaurant l'image d'une parole qu'il est interdit de transgresser : « les mots d'airain », expression d'une violence insidieuse et impitoyable : « creusaient les rêves »).
Merci pour ce partage !
jfmoods- Nombre de messages : 692
Age : 58
Localisation : jfmoods@yahoo.fr
Date d'inscription : 16/07/2013
Re: Tel un inventaire...
Merci, merci, Jfmoods !
Merci pour la justesse de vos lectures, merci pour la qualité de vos commentaires (que je vous envie !), merci simplement d'être là, sur VE...
Merci pour la justesse de vos lectures, merci pour la qualité de vos commentaires (que je vous envie !), merci simplement d'être là, sur VE...
alizarine- Nombre de messages : 104
Age : 80
Date d'inscription : 07/04/2014
Re: Tel un inventaire...
difficile de passer après jfmoods d'habitude moins prompt dans ses post...
je ne sais quoi dire, mon émotion ?
voilà c'est dit.
la science de l'anaphore que tu cultives avec justesse.
voilà c'est dit.
une écriture qui accroche des "temps composés", un temps passé dans lequel je plonge avec un mélange d'effroi et de respect pour la peinture qui me rappelle les photographies jaunies de ma famille :
il y avait les miroirs piqués
où s’accrochaient des fragments
de lumière
où nos sourires déviaient
putain que c'est beau !
je ne sais quoi dire, mon émotion ?
voilà c'est dit.
la science de l'anaphore que tu cultives avec justesse.
voilà c'est dit.
une écriture qui accroche des "temps composés", un temps passé dans lequel je plonge avec un mélange d'effroi et de respect pour la peinture qui me rappelle les photographies jaunies de ma famille :
il y avait les miroirs piqués
où s’accrochaient des fragments
de lumière
où nos sourires déviaient
putain que c'est beau !
Pussicat- Nombre de messages : 4841
Age : 56
Localisation : France
Date d'inscription : 17/02/2012
Re: Tel un inventaire...
Ah oui atmosphère, atmosphère
Pas grand chose à dire de plus, l'essentiel a été dit je suppose
Cela me fait penser à plein de choses, une BD série noire, Modiano, Moustaki
J'aime quand les références foisonnent
Pas grand chose à dire de plus, l'essentiel a été dit je suppose
Cela me fait penser à plein de choses, une BD série noire, Modiano, Moustaki
J'aime quand les références foisonnent
Invité- Invité
Re: Tel un inventaire...
Oui, très beau poème. La tonalité générale est pour moi si onirique que j'ai envie de décaler un peu la lecture...du côté de ces territoires intérieurs où nous avons affaire au plus complexe, plus angoissant, plus énigmatique de l'humain. Du coup ces hommes qu'évoque, qu'invoque le poème, je les vois aussi comme des guides dans la pénombre, à cause de ce qu'ils ont eux-mêmes traversé. Et l'éclat de ces paroles "d'airain", ce tranchant, je les vois comme celui d'une vérité qu'ils disent (moi j'ai pensé à "Stalker", de Tarkowski.
Re: Tel un inventaire...
J'ai déjà ouvert et lu ce texte un bon nombre de fois mais je ne sais toujours pas comment le commenter! Je me contenterais donc de dire que j'en trouve la lecture apaisante de par le choix des mots qui semblent chacun exactement à leur place. Rien à reprendre pour moi dans ce poème dont la musique me berce à chaque fois que je pose les yeux dessus. Donc, merci!
isa- Nombre de messages : 559
Age : 33
Localisation : Elbonerg
Date d'inscription : 08/04/2009
Re: Tel un inventaire...
A tous, merci. A bientôt peut-être... ici ou ailleurs !
alizarine- Nombre de messages : 104
Age : 80
Date d'inscription : 07/04/2014
Re: Tel un inventaire...
..."ils élevaient le gris"
je reviens toujours à cette image très puissante qui porte le poème.
...
je reviens toujours à cette image très puissante qui porte le poème.
...
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
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