Aux alentours de Verdun

[Loreena Ruin]

...............
...............Racines entremêlées
...........l’arbre..............prisonnier d’un autre
...............On croirait un portail

........Des bruits de pas
........................................................................Ça grouille
Le lierre s’enroule
.......................................Rien ne perturbe
.......la danse
nerveuse
......................des moustiques

Cette fois c’est sûr
.....................Il y a quelqu’un

— Le monument compte ses morts —

Les vieilles pierres ne sont pas blanches :
elles ont la couleur de l’oubli

(On ne sait pas de quoi parlent les ombres)

Quelqu’un a oublié son paquet de chips —
..............................de nouveaux habitants y ont trouvé refuge

Ce qui craque ici
....................ce sont
....................les branches éparses qui
..........tordent le temps

..............................Il y a un trou

Je crois qu’ils ont mis les ossements à cet endroit

Je crois qu’ils
........disent quelque chose
...............................................................Ça se rapproche
Les figures se referment
Le portail n’est déjà plu

Un homme vient déposer une fleur

[Pussicat]

Beau texte sur la mémoire, à plusieurs voix, à plusieurs temps, la mise en page (non superflue) colle aux vers, au texte qui se lit comme un parcours, un chemin-retour, à la mémoire.
Je comprends les vers en gras, l'intention, mais les mots seuls auraient eu la même force, peut-être... je pense donc que tu veux nous guider, nous alerter d'une présence dans ce lieu, puissance évocatrice qui fait revivre les morts - ses morts ? "Des bruits de pas, Il y a quelqu’un,— Le monument compte ses morts —" ... mais cela est-il nécessaire ? que m'apporte cette mise en forme ?

C'est aussi un poème sur la nature qui reprend ses droits et panse les plaies d'hier : "Racines / l'arbre / Le lierre s’enroule..." elle repousse, recouvre, modifie, remodèle un nouveau paysage, et rien ne l'y empêchera, même les faucheurs, les tracteurs, l'économie agricole n'enlèvera pas à "ces lieux", ces champs de bataille, leur caractère sacré de lieux de mémoire. On retrouve encore aujourd'hui quantités d'objets, balles, bouts de métal, dans les champs cultivés.

La chute du poème en apporte la preuve : "Un homme vient déposer une fleur"

Confrontation de deux mondes, deux époques :

"Quelqu’un a oublié son paquet de chips —
..............................de nouveaux habitants y ont trouvé refuge"

"Le portail n’est déjà plu" un "s" manquant ?

J'aime cette écriture sensible, la mise en page est bien trouvée, et je retiens de beaux passages comme :

"Ce qui craque ici
....................ce sont
....................les branches éparses qui
..........tordent le temps"

merci pour cette lecture matinale
et à bientôt,

[Loreena Ruin]

Merci Pussicat pour cette lecture plus qu'attentive. Je comprends vos réserves pour le gras, surtout dans ce texte, où il est à peine nécessaire. Disons que je cherche aussi une cohérence dans le recueil qui est en train de voir le jour et le gras en fait partie intégrante. J'espère avoir d'autres avis... J'ai peut-être mal choisi le titre, qui n'éveille pas la curiosité, semble-t-il. :-)

[Pussicat]

Si cette forme qui consiste à souligner un mot, un vers en gras pour donner à lire une autre poésie fait partie de ton projet, tiens toi à cette forme... cela fonctionne.
Le titre possède une charge géographique et historique, le lecteur semble savoir où il met les yeux avant même de lire le texte, et puis il n'est très poétique... c'est un avis... modestement,

[Loreena Ruin]

Tout à fait d'accord pour le "titre", c'est ce que je voulais dire en disant qu'il n'éveillait pas la curiosité. Mes textes n'ont pas de titre, je suis toujours embêtée quand il faut en mettre et il se trouve que c'est celui qui est venu car c'est effectivement "aux alentours de Verdun" que j'ai eu l'inspiration pour le poème.

[Manon Lunalice]

Loreena Ruin, tes poèmes je crois grâce à leur forme (en partie) je dirais que c'est des "ambiances"... Des impressions, le sens de l'ouïe en éveil, ce sont des scènes où on est plongés: nos mouvements doivent se faire discrets, je me sens ici comme un chat dans la nuit

[Manon Lunalice]

oui oui on est dans la perception pure et l'interprétation "tordent le temps"... c'est super

[Armor]

J'aime. Parce que le texte porte au delà du titre qui pourrait freiner l'envie de lire. Parce qu'on est dans la perception, dans un paysage à la fois senti et mystérieux. Par cette manière d'effleurer l'histoire ou plutôt de se laisser effleurer par l'histoire en cours de chemin. Et la forme aussi, j'aime beaucoup.

[isa]

Effectivement le titre n'éveille pas vraiment la curiosité et contraste étrangement avec le texte qui lui suscite chez le lecteur - en tout cas dans mon cas - moultes interrogations.

J'aime beaucoup ce genre de poème avec une disposition dynamique qui exploite pleinement l'espace de la page et le jeu avec les différentes polices me paraît ici tout sauf superflu.

On ne sait pas trop où on a atterri (d'ailleurs peut-être que l'absence de mention de Verdun dans le titre aurait contribué à rendre le texte encore plus riche?) mais on voit la nature qui reprend ses droits sur un lieu a priori bien marqué par la mort... Et c'est justement le contraste entre les deux qui fait la beauté du texte!

[Contenu sponsorisé]